>> Première partie <<

 

Mon hôte me dépose le lendemain matin au port de Toba, car je tiens à aller faire un tour en ferry dans les îles de la baie. Notament à Iruka-shima [ilouka-chima], où le dépliant publicitaire indique à grand renfort de photos de familles heureuses que l'on peut toucher des dauphins. Réaliser un rêve de petite fille jalouse.

 

Un bateau sur-chargé de décorations kitsh m'enmène sur l'île aux dauphins. En posant le pied sur Iruka-shima, on à l'impression de se retrouver dans un décors de cinéma.

 

 

    "L'île en forme de virgule est un pic au milieu de la mer sombre au large de Toba. L'endroit semble abandonné. Non loin de l'emabarcadère, deux grands dauphins amorphes nagent dans un aquarium à l'eau verte. Leur dresseuse nous permet de poser une main sur le bout de leur nez. A la file indienne, chacun pose sa main une fois sur la peau luisante du mammifère dépressif dans sa piscine glauque. C'est lisse et doux comme un ballon de baudruche mouillé. Voilà, c'est terminé. A peine le temps d'y penser, change de rêve, celui-là est terminé. La dizaine de personne qui a débarqué en même temps que moi se disperse rapidement par groupe sous le ciel morne. Je me retrouve vite seule dans ce parc d'attraction oublié.


    Le téléphérique d'un autre temps est en panne et j'emprunte un escalier abrupte de traverses en bois usées qui monte jusqu'au sommet de l'île. Le vent glacial m'oblige à rentrer la tête dans les épaules en agrippant la rampe en métal écaillé à même la falaise. Mes boucles hirsutes me fouettent le visage, et mon nez gelé ne sent pas les effluvent marins portés par l'Aquilon qui me malmène. Je monte sans regarder devant moi, concentrée sur les marches inégales qui épuisent mon souffle. Parvenue à mi-chemin, j'emprunte sans réfléchir un sentier bordé d'arbres nu et chétifs sur la crête sinueuse qui mène à la pointe du rocher. Je me sens ballotée par les éléments, comme une mouette pendant une tempête en haute mer. Au bout de ce chemin vide, se tient un monument à tampon. J'ouvre tant bien que mal mon carnet à dessin contre la bourrasque et immortalise ma balade solitaire. J'étais là.


     Je redescends l'autre versant par un minuscule escalier oublié et me retrouve sur la plage. Quelques mètres de sable blanc encombré d'algues, de bouts de verre polis et de squelettes d'étoiles de mer. Escaladant les récifs découverts par la marée basse, je prie intérieurement pour ne pas croiser des restes du Tsunami de 2011. Je m'assois sur la plage et regarde l'Amérique.

     Un éclat de voix dans mon dos me fait sursauter. Sorties de nulle part, deux fille de mon âge rigolent à perdre haleine sur la terrasse du café fermé qui domine la plage. Nous échangeons quelques mots, puis je reprends mon exploration de l'île. Un tunnel hideux en béton armé se trouve devant moi, véritable palais des courants d'airs transperçant le rocher de part en part comme si une main immense avait arraché le cœur de l'île y laissant un trou béant ouvert aux caprices des éléments. La lumière à l'autre bout du tunnel me semble trop vive. Je débouche sur le port. Un large bassin communiquant avec la mer abrite un autre grand dauphin au regard vide tournant inlassablement en rond à la recherche d'un trou dans le filet râpé qui le sépare de la liberté.


     Je prends à nouveau l'escalier venteux qui monte vers le sommet avec l’intention de reprendre mon ascension à l'endroit où j'ai bifurqué. Il me semble parfois entendre des rires fantômes, des mélodies de manège dans l'air, mais ce n'est que mon imagination échauffée par le vent qui hurle le silence à pleins poumons. Je souris en pensant que si un zombie sortait d'un fourré, je ne serai qu'à demi-surprise. Au sommet se déroule un spectacle d'otarie récité sans enthousiasme par un dresseur apathique qui envoie des balles et des cerceaux, pour un couple de spectateurs plus concentrés sur les flocons de neige qui se sont mis à tourbillonner que sur John le lion de mer qui virevolte dans la piscine. Quelques marches encore et me voilà sur la cime pellée et balayée par un vent si fort que je crains de me déchirer, m'effilocher à chaque rafale comme le drapeau usé qui claque prisonnier de son mat. Là se dresse une statue de Dauphin surmontée d'une cloche aux amoureux rouillée qui sonne creux. Au loin j'aperçois le ferry qui s'en va fendant les vagues sombres dans des gerbes d'écume.


     Mince.

     Encore une heure à tuer avant la prochaine navette. Je redescends par des sentiers de traverse. Ci et là, des chemins barrés protègent des vestiges de bungalows aujourd'hui condamnés et envahis par la mousse et la rouille. La peur de tomber seule dans un endroit où personne ne me retrouvera avant 100 ans et la construction d'un hôtel***** pour touristes spatiaux entrave et retient ma curiosité. Je retourne sur la plage fouiller des yeux les bandes de cailloux au cas où je tomberais sur un trésor. Je joue avec les vagues de la marée montante et le déclencheur de mon appareil photo. Je me sent infiniement vide.


     Au milieu des dauphins en peluche roses et bleus de la boutique de souvenirs, des t-shirts de John l'otarie et des cartes postales délavées de boys-band, je déniche deux jolies cuillères. Comme je n'arrive pas à me décider je prends les deux. Voilà, le bateau revient, il s'est rendu compte qu'il m'a oublié.


    Ou alors c'est parce que sur le tableau est écrit l'heure actuelle."

 

 

 

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Pardonnez-moi de vous avoir écris un roman, j'avais envie de changer.

 

 

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Et malgrés tout, ça m'a beaucoup plu.

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